L'obésité est un handicap physique, psychologique et social. Alors que les personnes obèses devraient recevoir de la compassion, elles ne subissent que discriminations. Cela
commence dès l’enfance où la cruauté des cours d’école n’est plus à
prouver.
A l'occasion de la journée mondiale contre l'obésité (4 mars), j'ai eu la chance d'échanger avec Anne-Sophie Joly, l'énergique Présidente du CNAO (Collectif National des Associations d'Obèses) qui appelle à un plan décennal de prévention et de prise en charge de l'obésité. Plus que jamais une urgence à l'heure où 47% des patients infectés par le virus du Covid entrant en réanimation sont en situation d'obésité.
Notre discussion a donné lieu à une tribune que j'ai le plaisir de partager avec vous et qui vient d'être publiée dans le JDD. Chacun a son rôle à jouer dans ce combat, à commencer par le regards que nous portons sur ces personnes souvent victimes de grossophie.
Lisez plutôt :
Si la pandémie actuelle masque l’autre épidémie qualifiée de
« mondiale » par l’OMS – celle de l’obésité -, elle pourrait à la
lueur de macabres chiffres être un accélérateur de la prise de conscience de
nos gouvernants que l’obésité doit être reconnue impérativement comme une
pathologie en France. Et faire l’objet d’un plan décennal interministériel
ambitieux au même titre que le plan cancer qui vient d’être annoncé. Car le constat est alarmant et
sans appel : si on avait fait le choix en France d’une véritable prise en
charge de l’obésité en tant que maladie chronique, comme notre collectif le
réclame auprès des pouvoirs publics depuis des années, la France n’afficherait
pas aujourd’hui le chiffre funeste de 83 000 morts du Covid. Car après les
personnes âgées, ce sont les personnes ayant des problématiques de poids qui
sont en réanimation et qui décèdent.
Un triste record
d’hospitalisations et de décès détenu par les personnes souffrant d’obésité
Les chiffres sont
éloquents et les données scientifiques concordantes : l’obésité, qui
touche plus de 8 millions de personnes en France, soit 15 % des adultes, est
une pathologie à très haut risque de forme grave de Covid-19. Ainsi, 47 % des
patients infectés entrant en réanimation sont en situation d’obésité,
indépendamment de l’âge, de l’hypertension artérielle, du diabète ou d’autres
maladies associées, tandis que l’obésité concerne 40 % des personnes décédées. Face à ces faits incontestés,
comment accepter le calendrier vaccinal du gouvernement qui place les personnes
souffrant d’obésité en 3ème étape, soit au mieux en juin, alors
qu’elles devraient être prioritaires ? Faut-il en arriver à cette
extrémité pour déclarer l’obésité « grande cause nationale avec un plan
décennal » ? Il n’est jamais trop tard !
Covid-19 comme une 19ème
pathologie associée à l’obésité
8 millions de Français attendent
qu’elle soit reconnue comme une maladie grave et invalidante, à l’origine de 19
pathologies aux conséquences lourdes voire fatales pour certaines :
diabète, hypertension artérielle, complications cardiovasculaires et désormais
Covid-19 dont le nom sonne tristement l’avènement d’une 19ème
pathologie qui vient s’ajouter à un tableau déjà bien lourd. Faut-il attendre pour agir que
les chiffres de cette épidémie mondiale galopante s’aggravent comme le laissent
penser les projections soulignant l’explosion des personnes en surcharge
pondérale ? D’ici 2030, une personne sur 5 sera touchée en France (la
moitié aux États-Unis !). Au sein de l’OCDE, ce sont la moitié des adultes
qui sont en surpoids ou obèses ! Et aujourd’hui, surpoids et obésité tuent
2,8 millions de personnes par an dans le monde !
Tant de sacrifices, auxquels
s’ajoutent des conséquences psychologiques et sociétales désastreuses, les
personnes obèses étant victimes d’une véritable grossophobie. Dans ce contexte, nous réclamons
d’urgence une stratégie décennale de lutte contre l’obésité qui repose sur 4
piliers : reconnaissance, prévention, formation et prise en charge.
Un plan décennal
« obésité » en 4 axes stratégiques
Notre combat n’est pas
nouveau mais plus que jamais, l’obésité doit être reconnue par la France
comme étant une maladie chronique, tout comme l’OMS et plus récemment l’Italie
ou l’Allemagne l’ont fait. C’est la condition indispensable à une meilleure
prise en charge – notamment diététique et psychologique. C’est à cette
condition également que pourra évoluer le regard de la société sur les
personnes obèses : en étant déclarée « maladie », stigmatisation
et discrimination devraient reculer au profit de regards plus compréhensifs et
bienveillants.
Nous demandons que cette
reconnaissance s’accompagne d’un plan ambitieux de prévention et de prise en
charge holistique de cette pathologie. En déplaçant son coût estimé à 22
millions par an (1 % du PIB)
vers un plan de prévention centré sur la nutrition, l’accompagnement
psychologique et physique, des exigences face à l’industrie agroalimentaire, un
programme d’urbanisation encourageant la pratique du sport, nous enrayerons les
courbes exponentielles et les données mortifères de l’obésité.
Enfin, c’est en bénéficiant d’une
formation dédiée que les professionnels de santé seront en mesure d’accompagner
les patients, au plus près de leurs besoins, et de dispenser une prise en
charge adaptée à la pathologie. A cet effet, les étudiants en médecine
devraient avoir la possibilité de choisir une spécialité en obésité, que nous
revendiquons.
C’est alors que l’on pourra dire,
collectivement, que la crise du Covid-19 aura tristement au moins servi à cela :
l’activation d’un plan gouvernemental audacieux de prévention et de formation
pour que… « plus jamais… ». Le gouvernement actuel et le suivant
devront rendre des comptes à 33 millions de personnes en surpoids, 8 millions
en situation d’obésité et surtout tirer les enseignements de la pandémie. Nos
dirigeants ne peuvent plus se permettre d’attendre.