lundi 1 mars 2021

40 % des patients morts du Covid sont en situation d’obésité ou de surpoids : à quand la prévention ?

L'obésité est un handicap physique, psychologique et social. Alors que les personnes obèses devraient recevoir de la compassion, elles ne subissent que discriminations. Cela commence dès l’enfance où la cruauté des cours d’école n’est plus à prouver.

A l'occasion de la journée mondiale contre l'obésité (4 mars), j'ai eu la chance d'échanger avec Anne-Sophie Joly, l'énergique Présidente du CNAO (Collectif National des Associations d'Obèses) qui appelle à un plan décennal de prévention et de prise en charge de l'obésité. Plus que jamais une urgence à l'heure où 47% des patients infectés par le virus du Covid entrant en réanimation sont en situation d'obésité.

Notre discussion a donné lieu à une tribune que j'ai le plaisir de partager avec vous et qui vient d'être publiée dans le JDD. Chacun a son rôle à jouer dans ce combat, à commencer par le regards que nous portons sur ces personnes souvent victimes de grossophie.

Lisez plutôt :

Si la pandémie actuelle masque l’autre épidémie qualifiée de « mondiale » par l’OMS – celle de l’obésité -, elle pourrait à la lueur de macabres chiffres être un accélérateur de la prise de conscience de nos gouvernants que l’obésité doit être reconnue impérativement comme une pathologie en France. Et faire l’objet d’un plan décennal interministériel ambitieux au même titre que le plan cancer qui vient d’être annoncé. Car le constat est alarmant et sans appel : si on avait fait le choix en France d’une véritable prise en charge de l’obésité en tant que maladie chronique, comme notre collectif le réclame auprès des pouvoirs publics depuis des années, la France n’afficherait pas aujourd’hui le chiffre funeste de 83 000 morts du Covid. Car après les personnes âgées, ce sont les personnes ayant des problématiques de poids qui sont en réanimation et qui décèdent.

Un triste record d’hospitalisations et de décès détenu par les personnes souffrant d’obésité

Les chiffres sont éloquents et les données scientifiques concordantes : l’obésité, qui touche plus de 8 millions de personnes en France, soit 15 % des adultes, est une pathologie à très haut risque de forme grave de Covid-19. Ainsi, 47 % des patients infectés entrant en réanimation sont en situation d’obésité, indépendamment de l’âge, de l’hypertension artérielle, du diabète ou d’autres maladies associées, tandis que l’obésité concerne 40 % des personnes décédées. Face à ces faits incontestés, comment accepter le calendrier vaccinal du gouvernement qui place les personnes souffrant d’obésité en 3ème étape, soit au mieux en juin, alors qu’elles devraient être prioritaires ? Faut-il en arriver à cette extrémité pour déclarer l’obésité « grande cause nationale avec un plan décennal » ? Il n’est jamais trop tard !

Covid-19 comme une 19ème pathologie associée à l’obésité

8 millions de Français attendent qu’elle soit reconnue comme une maladie grave et invalidante, à l’origine de 19 pathologies aux conséquences lourdes voire fatales pour certaines : diabète, hypertension artérielle, complications cardiovasculaires et désormais Covid-19 dont le nom sonne tristement l’avènement d’une 19ème pathologie qui vient s’ajouter à un tableau déjà bien lourd. Faut-il attendre pour agir que les chiffres de cette épidémie mondiale galopante s’aggravent comme le laissent penser les projections soulignant l’explosion des personnes en surcharge pondérale ? D’ici 2030, une personne sur 5 sera touchée en France (la moitié aux États-Unis !). Au sein de l’OCDE, ce sont la moitié des adultes qui sont en surpoids ou obèses ! Et aujourd’hui, surpoids et obésité tuent 2,8 millions de personnes par an dans le monde !

Tant de sacrifices, auxquels s’ajoutent des conséquences psychologiques et sociétales désastreuses, les personnes obèses étant victimes d’une véritable grossophobie. Dans ce contexte, nous réclamons d’urgence une stratégie décennale de lutte contre l’obésité qui repose sur 4 piliers : reconnaissance, prévention, formation et prise en charge. 

Un plan décennal « obésité » en 4 axes stratégiques

Notre combat n’est pas nouveau mais plus que jamais, l’obésité doit être reconnue par la France comme étant une maladie chronique, tout comme l’OMS et plus récemment l’Italie ou l’Allemagne l’ont fait. C’est la condition indispensable à une meilleure prise en charge – notamment diététique et psychologique. C’est à cette condition également que pourra évoluer le regard de la société sur les personnes obèses : en étant déclarée « maladie », stigmatisation et discrimination devraient reculer au profit de regards plus compréhensifs et bienveillants.

Nous demandons que cette reconnaissance s’accompagne d’un plan ambitieux de prévention et de prise en charge holistique de cette pathologie. En déplaçant son coût estimé à 22 millions par an (1 % du PIB) vers un plan de prévention centré sur la nutrition, l’accompagnement psychologique et physique, des exigences face à l’industrie agroalimentaire, un programme d’urbanisation encourageant la pratique du sport, nous enrayerons les courbes exponentielles et les données mortifères de l’obésité.

Enfin, c’est en bénéficiant d’une formation dédiée que les professionnels de santé seront en mesure d’accompagner les patients, au plus près de leurs besoins, et de dispenser une prise en charge adaptée à la pathologie. A cet effet, les étudiants en médecine devraient avoir la possibilité de choisir une spécialité en obésité, que nous revendiquons.

C’est alors que l’on pourra dire, collectivement, que la crise du Covid-19 aura tristement au moins servi à cela : l’activation d’un plan gouvernemental audacieux de prévention et de formation pour que… « plus jamais… ». Le gouvernement actuel et le suivant devront rendre des comptes à 33 millions de personnes en surpoids, 8 millions en situation d’obésité et surtout tirer les enseignements de la pandémie. Nos dirigeants ne peuvent plus se permettre d’attendre.