mercredi 15 mai 2019

Handicap : comment parler de société inclusive quand 80% des enfants en difficulté sont exclus du système scolaire français ?



Je partage avec vous aujourd'hui mes réflexions sur ce sujet. Elles ressemblent à la fois à un coup de gueule et à un appel à changer nos regards! Je vous invite à me dire ce que vous en pensez ici ?!
La scolarisation des enfants handicapés dans les écoles dites ordinaires apparaît aujourd’hui comme un modèle de plus en plus répandu dans les pays de l’Union européenne qui affichent leur volonté de rendre l’inclusion scolaire effective. Malgré cet objectif commun, il existe des réalités contrastées en Europe. Si depuis plus de 40 ans, l’Italie et la Suède détiennent la palme d’or en matière d’inclusion éducative, la France, elle, accuse un retard considérable, notamment pour les enfants présentant un trouble autistique. Alors qu’en Italie 100% des enfants autistes sont scolarisés dans une classe ordinaire, ils sont à peine 20 % en France !
Comment peut-on parler de société inclusive quand 80% des enfants en difficulté sont exclus du système scolaire français ? C’est oublier les conséquences dramatiques en termes d’exclusion sociale et d’intégration professionnelle désastreuse qui privent la société française de véritables richesses fondées sur la différence.
Si la réforme de l’école inclusive en cours menée fermement par Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, va dans le bon sens, sa réussite est conditionnée à une évolution en profondeur de nos regards sur le handicap, que je qualifie de culturelle. De ce point de vue, nous ferions bien de nous inspirer de certains de nos voisins !

Le retard français : un frein culturel ?
Depuis la loi de 2005 sur le handicap, l'école ordinaire est ouverte à tous les enfants handicapés. Pourtant, en France, notre société ne parvient pas encore à scolariser la plupart des enfants en situation de handicap là où d’autres pays sont exemplaires. Au-delà de freins techniques et économiques, l’acceptation de ces personnes dans la vie de tous les jours semble poser un problème. La réponse à ce blocage d’ordre culturel ? L’isolement, le placement massif… dans des institutions spécialisées. Pire : la « délocalisation » de personnes handicapées en Belgique ! Chaque année, environ 8000 seraient contraintes de s’exiler dont 4000 autistes pour être prises en charge correctement et palier les déficiences du système français !
D’autres pays comme la Norvège, l’Islande ou l’Italie ont réussi à scolariser l’ensemble des enfants en situation de handicap, qu’il soit moteur, sensoriel, relationnel. Leur système est basé sur l’inclusion de ces enfants dans des classes exclusivement ordinaires et néanmoins aménagées : classes à effectifs réduits et formation des personnels éducatifs. Ajoutons qu’en Suède, l’absence d’insertion sociale est considérée comme une « maltraitance » et une atteinte aux droits civiques fondamentaux. En conséquence, la personne, quelle que soit la source de son handicap, est accompagnée chez elle (et non en institution), au sein de la collectivité, de la petite enfance au grand âge.

Les conséquences dramatiques de l’exclusion scolaire
Notre société très normée laisse hélas peu de place à la pensée qui ne tient pas compte des conventions sociales, aux particularités intellectuelles et aux formes d’intelligences différentes.
Conséquences ? Du côté des 700 000 personnes en France touchées par des troubles du spectre autistique, 66% des autistes qualifiés « asperger » envisagent de se suicider. Cause principale invoquée ? L’exclusion sociale !
Savez-vous par ailleurs que 96% des enfants trisomiques dépistés avant la naissance font l’objet d’un avortement ? Qu’en penser ? Comment ce chiffre résonne-t-il auprès des 50 000 citoyens français atteints de trisomie 21 et leurs proches ? Changer radicalement notre manière culturelle d’appréhender la trisomie 21 pour lutter contre les préjugés et permettre aux parents de mieux assumer ces enfants n’est-il pas le début d’une solution ?
Corollaire de cet isolement scolaire et de cette exclusion sociale : un taux de chômage qui touche deux fois plus les demandeurs d’emploi en situation de handicap (20% de chômage, soit 510 000 chômeurs et une hausse de 3,4% en un an). Et une société qui se prive de la richesse qu’offre la neurodiversité ! Einstein n’a-t-il pas soutenu qu’« inventer, c’est penser à côté » ? Alors que de nombreuses entreprises encouragent à réfléchir « out of the box », ces mêmes entreprises passent à côté des capacités cognitives hors-norme (conceptualisation élevée, mémoire d’éléphant) des personnes autistes. Contrairement à de nombreuses idées reçues, le cerveau autistique n’est pas déficient : hyperpuissant, hyperconnecté, il offre des intelligences atypiques. Quel gâchis pour notre Nation qui commence tout juste à s’y intéresser là où d’autres pays (Etats-Unis en tête) pratiquent une politique volontariste de recrutement des personnes autistes ! Le secteur des nouvelles technologies en particulier va jusqu’à concevoir l’autisme comme une qualité et un puissant levier de performance et d’innovation ! Qu’attendons-nous ?

La réforme de l’école inclusive : une impulsion décisive pour changer les mentalités
L'objectif du Gouvernement est clair : offrir à tous les enfants une solution et faire en sorte que l’école soit véritablement inclusive. De nombreuses mesures vont dans ce sens : poursuite du remplacement des contrats aidés par des contrats d’AESH (Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap) ; formation de 60 heures obligatoire pour les AESH ; création de "pôles inclusifs" dans les établissements scolaires...
Si les premiers résultats de la rentrée 2018 sont encourageants avec 20 000 élèves handicapés supplémentaires scolarisés, soit 6% de plus à la rentrée 2018 (340 000 élèves handicapés au total), le chemin reste long.

La participation des citoyens handicapés à la vie démocratique exige des aménagements qui doivent commencer dès l’enfance, à l’école de la république. Confrontés dès le plus jeune âge à la différence, les jeunes l’intègreront naturellement.
Car l’école est un lieu d’acquisition de connaissances et de compétences mais aussi un lieu de socialisation où se construit la capacité de TOUS les futurs citoyens à vivre ensemble. Nous avons tous à y gagner car une société qui exclut les personnes vulnérables en raison même de leur vulnérabilité est une société qui perd en humanité.

dimanche 5 mai 2019

Conversation joyeuse avec Clotilde Noël : 6 fois maman, elle adopte 3 enfants handicapés


Ce qui surprend au premier abord, c’est à la fois la vitalité, la spontanéité et la simplicité naturelle de Clotilde. C’est aussi sa grâce. Car tout est grâce chez elle : son visage harmonieux et souriant, sa fraîcheur dans la relation, le récit que l’on dirait ordinaire de son histoire pourtant extraordinaire, l’amour inconditionnel et infini qui s’en dégage… Mais qui donc est cette maman de 6 enfants naturels qui a ensuite adopté Marie, ravissante petite fille trisomique à l’affiche du grand shooting de la trisomie 21, puis Marie-Garance, polyhandicapée… et bientôt, un petit garçon handicapé lui aussi, sur le point de rejoindre le cocon familial ?

J’ai eu l’immense bonheur de rencontrer Clotilde et cela fait partie des rencontres qui vous marquent et vous distillent de l’énergie à revendre !
La première question que j’ai eu envie de poser, c’est la motivation de Clotilde et de son mari Nicolas ? Pourquoi cette 7ème enfant porteuse de trisomie 21 est entrée dans leur famille ?
« Avec nos 6 enfants que j’ai eus jeune, nous avions l’habitude de voyager, aux 4 coins du monde, de façon spontanée. Pas les voyages organisés, plutôt des voyages d’aventurier qui nous permettent d’aller vers les autres, car c’est ce que nous aimons. »
Et puis s’est posée la question d’un 7ème enfant avec une évidence qui s’impose rapidement à Clotilde, limpide : « et si nous adoptions un enfant qui existe déjà pour répondre un réel besoin humain, de la société ? » Orientés vers des associations et les services sociaux qui conditionnent leur demande à celle d’un enfant handicapé, Clotilde et Nicolas ne renoncent pas. Au contraire ! « Cela donnait plus de sens encore à notre souhait. » Et là, c’est un véritable parcours du combattant qui commence, deux années interminables d’incompréhension des services sociaux qui multiplient les enquêtes, démarches administratives jusqu’à imposer une expertise psychiatrique, convaincus que le couple est « tordu ». Même leurs proches cherchent à les dissuader : « votre famille va exploser ».
« En France, on n’a pas le droit d’aimer, » s’indigne Clotilde, on entend de la colère dans sa voix. Leur volonté et ténacité ont raison des obstacles : Marie arrive dans la famille, elle a 7 mois et c’est l’excitation générale ! Tombé du Nid est le récit de ce long chemin vers Marie et marque la naissance également de lassociation éponyme dont nous avions parlé à l’occasion du shooting de la trisomie 21.
La suite ? « Marie est tellement facile, les enfants l’adorent » qu’elle ouvre la voie à un deuxième livre « Petit à petit » racontant les années qui ont suivi son adoption, « la façon dont les enfants grandissent avec cela ». Son objectif ? « Il n’y a aucune leçon à donner. Juste montrer que notre vie avec Marie est tout sauf une vie foutue. » S’il fallait une preuve supplémentaire, c’est la demande que les 6 ainés ne vont pas tarder à formuler : « ce sont nos enfants qui ont demandé à adopter un 2ème enfant handicapé. » Les freins, ils les connaissent, Clotilde et Nicolas, et ils vont se battre une nouvelle fois, contre l’administration, contre eux-mêmes aussi car « accueillir la faiblesse, c'est risquer d'affronter ses peurs, ses résistances et ses propres faiblesses. C'est prendre le risque de mourir à soi-même, pour renaître et découvrir un bonheur sans limite. »
Marie-Garance arrive à 16 mois, polyhandicapée, et de suite est adoptée par toute la tribu des Noël. « Un véritable tsunami » reconnait Clotilde, mais « tout est victoire, tout est joie à chaque étape franchie » poursuit-elle avec enthousiasme. 
Risquer l'infini, 3ème livre qui vient d’être publié chez Salvator, c’est le récit de l’amour inconditionnel de Clotilde pour Marie-Garance : un amour risqué car la petite fille peut s’éteindre du jour au lendemain, infini car elle ouvre des portes vers le dépouillement de soi et des joies simples et profondes.
« On n’a plus besoin d’aller à l’autre bout du monde avec mon mari. Un WE à Monfort l’Amaury avec un sandwich triangle et on est les plus heureux du monde ! »
Les plus heureux du monde, ils vont l’être à nouveau puisqu’ils accueillent un 3ème enfant handicapé, un petit garçon cette fois-ci.

Vous voulez vous engager ?
Nicolas et Clotilde ont créé une association Tombée du nid financée par les droits d’auteur des livres de Clotilde ; cette association a pour objectifs d’initier et soutenir des projets liés au handicap, pour favoriser l’inclusion des plus faibles et les plus démunis au cœur de la cité.
Soutien financier, bénévolat ou service civique, inscription à des courses caritatives… Vous êtes les bienvenus ! Parlez-en autour de vous également !