mardi 1 octobre 2019

L’inclusion scolaire des enfants handicapés en France passe par une nécessaire révolution culturelle




La scolarisation des enfants handicapés dans les écoles dites ordinaires est aujourd’hui le modèle le plus répandu dans l’Union européenne qui affiche sa volonté de rendre l’inclusion scolaire effective. Malgré cet objectif commun, il existe des réalités contrastées. Si depuis 40 ans, l’Italie et la Suède détiennent la palme d’or en matière d’inclusion éducative, la France, elle, accuse un retard considérable, notamment pour les enfants présentant un trouble autistique. Alors qu’en Italie 100% des enfants autistes sont scolarisés dans une classe ordinaire, ils sont à peine 20 % en France !
Comment parler de société inclusive quand 80% des enfants en difficulté sont exclus du système scolaire français ? C’est oublier les conséquences dramatiques en termes d’exclusion sociale et d’intégration professionnelle qui privent la société française de véritables richesses fondées sur la différence.
Si la réforme de l’école inclusive en cours va dans le bon sens, sa réussite est conditionnée à une évolution en profondeur de nos regards sur le handicap, d’ordre culturel… Nous ferions bien de nous inspirer de certains de nos voisins !

Le retard français : un frein culturel ?
Depuis la loi de 2005 sur le handicap, l'école ordinaire est ouverte à tous les enfants handicapés. Pourtant, en France, notre société ne parvient pas encore à scolariser la plupart de ces enfants là où d’autres pays sont exemplaires. Au-delà de freins techniques et économiques, l’acceptation de ces personnes dans la vie quotidienne semble poser problème. La réponse à ce blocage d’ordre culturel ? L’isolement, le placement massif… dans des institutions spécialisées. Pire : la « délocalisation » de personnes handicapées en Belgique ! Chaque année, environ 8000 seraient contraintes de s’exiler dont 4000 autistes pour pallier les déficiences du système français !
D’autres pays comme la Norvège, l’Islande ou l’Italie ont réussi à scolariser l’ensemble des enfants en situation de handicap. Leur système est basé sur l’inclusion de ces enfants dans des classes exclusivement ordinaires et aménagées : effectifs réduits et formation des personnels éducatifs. Ajoutons qu’en Suède, l’absence d’insertion sociale est considérée comme une « maltraitance » et une atteinte aux droits civiques fondamentaux.
Une enquête récente (1) réalisée à la demande de 3 associations de personnes handicapées vient conforter la « résistance » française : si les Français se déclarent « favorables » à la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les classes ordinaires, « avec les autres enfants » , reste qu’ils se montrent plus nuancés concernant les enfants autistes ou avec une déficience intellectuelle, avec respectivement 46% et 49% d’entre eux qui considèrent que le meilleur mode de scolarisation pour ces enfants est l'établissement spécialisé.

Les conséquences en chaîne de l’exclusion scolaire
Notre société très normée laisse hélas peu de place, dès le plus jeune âge, à la singularité et aux formes d’intelligences différentes. Conséquences ? Du côté des 700 000 personnes touchées par des troubles du spectre autistique, 66% des autistes qualifiés « asperger » envisagent de se suicider. Cause principale invoquée ? L’exclusion sociale ! Savez-vous par ailleurs que 96% des enfants trisomiques dépistés avant la naissance font l’objet d’un avortement ? Comment ce chiffre résonne-t-il auprès des 50 000 citoyens français atteints de trisomie 21 ? Changer radicalement notre manière culturelle d’appréhender la trisomie 21 pour lutter contre les préjugés et permettre aux parents de mieux assumer n’est-il pas le début d’une solution ?
Corollaire de ces exclusions scolaire et sociale : un taux de chômage touchant deux fois plus les demandeurs d’emploi en situation de handicap (20%, soit 510 000 chômeurs). Et une société qui s’interdit la richesse qu’offre la neurodiversité ! 

La réforme de l’école inclusive : une impulsion politique décisive pour changer les mentalités
L'objectif du Gouvernement est clair : offrir à tous les enfants une solution et faire en sorte que l’école soit véritablement inclusive. De nombreuses mesures vont dans ce sens : multiplication des contrats d’AESH (Accompagnant des Elèves en Situation de Handicap) et formation associée obligatoire de 60 heures ; création de pôles inclusifs dans les établissements scolaires (plusieurs centaines de classes ULIS créées : Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire et + 250 ULIS au lycée annoncées d’ici 2022).
Les premiers résultats de ce processus inclusif sont positifs : en 2004, il y avait 37 000 élèves en situation de handicap dans les collèges et lycées, ils sont aujourd’hui environ 140 000, auxquels s’ajoutent 180 000 élèves en maternelles et primaires. Succès quantitatif certes mais qui ne pourra se transformer en victoire une fois seulement que le « droit à l’éducation sans discrimination » posé par l’ONU en 2006 sera intégré comme idéal inclusif par la société française.

La participation des citoyens handicapés à la vie démocratique et économique exige des aménagements qui doivent commencer dès l’enfance, à l’école de la République. Confrontés dès le plus jeune âge à la différence, les jeunes l’intègreront naturellement.  Car l’école est un lieu d’acquisition de connaissances et de compétences mais aussi un lieu de socialisation où se construit la capacité de TOUS les futurs citoyens à vivre ensemble. Nous avons tous à y gagner car une société qui exclut les personnes vulnérables en raison même de leur vulnérabilité est une société qui perd en humanité.

(1)  : sondage réalisé par Harris Interactive à la demande de trois associations de personnes handicapées (Trisomie 21, la Fnaseph et l'ANPEA) – août 2019.

Pour savoir où scolariser un enfant handicapé, retrouvez mon article ici.