La scolarisation
des enfants handicapés dans les écoles dites ordinaires est aujourd’hui le
modèle le plus répandu dans l’Union européenne qui affiche sa volonté de rendre
l’inclusion scolaire effective. Malgré cet objectif commun, il existe des
réalités contrastées. Si depuis 40 ans, l’Italie et la Suède détiennent la
palme d’or en matière d’inclusion éducative, la France, elle, accuse un retard
considérable, notamment pour les enfants présentant un trouble autistique.
Alors qu’en Italie 100% des enfants autistes sont scolarisés dans une classe
ordinaire, ils sont à peine 20 % en France !
Comment parler de
société inclusive quand 80% des enfants en difficulté sont exclus du système
scolaire français ? C’est
oublier les conséquences dramatiques en termes d’exclusion sociale et
d’intégration professionnelle qui privent la société française de véritables
richesses fondées sur la différence.
Si la réforme de l’école inclusive en
cours va dans le bon sens, sa réussite est conditionnée à une évolution en
profondeur de nos regards sur le handicap, d’ordre culturel… Nous ferions bien
de nous inspirer de certains de nos voisins !
Le retard français : un frein culturel ?
Depuis la loi de 2005 sur le
handicap, l'école ordinaire est
ouverte à tous les enfants handicapés. Pourtant, en France, notre
société ne parvient pas encore à scolariser la plupart de ces enfants là où
d’autres pays sont exemplaires. Au-delà de freins techniques et économiques,
l’acceptation de ces personnes dans la vie quotidienne semble poser problème.
La réponse à ce blocage d’ordre culturel ? L’isolement, le placement
massif… dans des institutions spécialisées. Pire : la « délocalisation »
de personnes handicapées en Belgique ! Chaque année, environ 8000 seraient
contraintes de s’exiler dont 4000 autistes pour pallier les déficiences du
système français !
D’autres pays comme la Norvège, l’Islande ou l’Italie ont réussi à
scolariser l’ensemble des enfants en situation de handicap. Leur système est
basé sur l’inclusion de ces enfants dans des classes exclusivement ordinaires
et aménagées : effectifs réduits et formation des personnels éducatifs. Ajoutons
qu’en Suède, l’absence d’insertion sociale est considérée comme une « maltraitance
» et une atteinte aux droits civiques fondamentaux.
Une enquête récente (1) réalisée à la demande de 3
associations de personnes handicapées vient conforter la
« résistance » française : si les Français se déclarent «
favorables » à la scolarisation des enfants en situation de handicap dans les
classes ordinaires, « avec les autres enfants » , reste qu’ils se
montrent plus nuancés concernant les enfants autistes ou avec une déficience
intellectuelle, avec respectivement 46% et 49% d’entre eux qui considèrent que
le meilleur mode de scolarisation pour ces enfants est l'établissement
spécialisé.
Les conséquences en chaîne de l’exclusion scolaire
Notre société très
normée laisse hélas peu de place, dès le plus jeune âge, à la singularité et
aux formes d’intelligences différentes. Conséquences ? Du côté des 700 000
personnes touchées par des troubles du spectre autistique, 66% des autistes
qualifiés « asperger » envisagent de se suicider. Cause principale invoquée ? L’exclusion sociale ! Savez-vous
par ailleurs que 96% des enfants trisomiques dépistés avant la naissance font
l’objet d’un avortement ? Comment ce chiffre résonne-t-il auprès des
50 000 citoyens français atteints de trisomie 21 ? Changer radicalement
notre manière culturelle d’appréhender la trisomie 21 pour lutter contre les
préjugés et permettre aux parents de mieux assumer n’est-il pas le début d’une
solution ?
Corollaire de ces
exclusions scolaire et sociale : un taux de chômage touchant deux fois
plus les demandeurs d’emploi en situation de handicap (20%, soit
510 000 chômeurs). Et une société qui s’interdit la richesse qu’offre
la neurodiversité !
La réforme de l’école inclusive : une impulsion politique décisive
pour changer les mentalités
L'objectif du Gouvernement
est clair : offrir à tous les enfants une solution et faire
en sorte que l’école soit véritablement inclusive. De
nombreuses mesures vont dans ce sens : multiplication des contrats d’AESH (Accompagnant
des Elèves en Situation de Handicap) et formation associée obligatoire de 60
heures ; création de pôles inclusifs dans les établissements scolaires (plusieurs
centaines de classes ULIS créées : Unité Localisée pour l’Inclusion Scolaire
et + 250 ULIS au lycée annoncées d’ici 2022).
Les premiers
résultats de ce processus inclusif sont positifs : en 2004, il y avait
37 000 élèves en situation de handicap dans les collèges et lycées, ils
sont aujourd’hui environ 140 000, auxquels s’ajoutent 180 000 élèves
en maternelles et primaires. Succès quantitatif certes mais qui ne pourra se
transformer en victoire une fois seulement que le « droit à l’éducation
sans discrimination » posé par l’ONU en 2006 sera intégré comme idéal
inclusif par la société française.
La participation des
citoyens handicapés à la vie démocratique et économique exige des aménagements
qui doivent commencer dès l’enfance, à l’école de la République. Confrontés dès
le plus jeune âge à la différence, les jeunes l’intègreront naturellement. Car l’école est un lieu d’acquisition de
connaissances et de compétences mais aussi un lieu de socialisation où se
construit la capacité de TOUS les futurs citoyens à vivre ensemble. Nous avons
tous à y gagner car une société qui exclut les personnes vulnérables en raison
même de leur vulnérabilité est une société qui perd en humanité.
(1)
: sondage réalisé par Harris Interactive
à la demande de trois associations de personnes handicapées (Trisomie 21, la
Fnaseph et l'ANPEA) – août 2019.
Pour savoir où scolariser
un enfant handicapé, retrouvez mon
article ici.